Il y a encore un an ou deux, personne n’aurait parié une cacahouète sur le sucré. Pourtant, patch anticrise ou vague de fond, la « dent douce » s’est bel et bien emparée des gourmets branchés. Folies de bonbons, repas de desserts, pâtisseries aux allures de concept-stores et reconversions en série : une nouvelle ère du sucre est à nos portes… Gare aux caries !
Par Lucile Escourro, Le Figaro Madame
« Il y a de plus en plus de propositions autour du sucré, ce qui crée une véritable émulation », se réjouit Alexia Soyeux, responsable marketing chez Création Conseil Dessert, une société de conseil spécialisée dans l’agroalimentaire sucré. Et c’est vrai qu’entre le pop-corn chic, les kits à fondue chocolatée ou la déferlante des pâtes à tartiner branchées, le sucré pointu et créatif devient un de ces petits luxes dont on ne souhaite plus se passer.
Le goûter, par exemple, a le vent en poupe, et pas seulement chez les enfants puisqu’il s’installe dans les palaces. Au Parc Hyatt Paris-Vendôme, il est servi dans un pupitre d’écolier et réunit (pour le plus grand bonheur des foodeux et des hommes d’affaires) mousse au chocolat, crème caramel, madeleine, baguette grillée et sa tablette. Le petit déjeuner suit le mouvement en toute gourmandise : celui de Yannick Alléno,
100 % chocolat, devait juste faire l’événement du mois de septembre dernier au Meurice, mais le succès fut tel que le retirer de la carte n’est plus à l’ordre du jour.
Chez ChikaLicious, à New York, la pause sucrée se transforme en vrai repas : pour 14 dollars, on y déguste trois desserts à choisir entre trifle au caramel, pudding à la figue, cheesecakes variés ou tarte chaude au chocolat. Le tout précédé d’une mise en bouche !
Carrément gastronomique, le restaurant barcelonais Espai Sucre pousse l’expérience avec des créations pointues où l’épicé côtoie l’amer et l’aigre-doux. Son chef Jordi Butrón est passé par les cuisines de Pierre Gagnaire et de Ferran Adrià. En entrée et plat du jour, il suggère par exemple une crème de thé fumé au yaourt, au chocolat et au sésame noir, suivie d’un baba au vin rouge, poire et safran laissant le palais sur une sensation de jamais-vu.
Faire du jamais-vu était aussi l’idée du food designer espagnol Martí Guixé lorsqu’il a créé, en octobre 2007, un restaurant éphémère de bonbons à Tokyo. Dans un décor minimaliste léché, les Japonais à la dent douce ont pu tester, en suivant des instructions de dégustation proches de l’ordonnance médicale, les repas de confiseries de Martí. Une thérapie par le sucre qui s’est avérée très positive puisque le restaurant n’a pas désempli durant ses cinq jours d’ouverture.
Dans le registre de la « bonbonmania », on note aussi la success story de Dylan’s Candy Bar, une minichaîne américaine de superettes de confiseries créée par Dylan Lauren, la fille de Ralph. Petits et grands s’y pressent pour remplir leurs paniers de caramels multicolores, sucres d’orge géants et autres gommes aux effigies de superhéros. Des bonbons, oui mais so chic, à découvrir en mars à La Grande Épicerie de Paris.
Pas encore de restaurant de desserts ou de bonbons en France, mais des petites fantaisies parisiennes très symptomatiques de l’air du temps. Sur les Champs-Élysées, à l’heure de l’apéritif, le PublicisDrugstore brandit ses tapas dans des verres à cocktail : fraises, framboises et barbe à papa, fondue au chocolat ou minibabas au champagne sonnent comme une promesse de décompression après une journée de travail.
Autre affaire qui marche : les bars à chocolat se multiplient en France. À Paris, celui du pâtissier baulois Christophe Roussel concocte, à deux pas des Invalides, des chocolats chauds et parfumés – orange, framboise, vanille, piment d’Espelette, etc. – à siroter sur place ou à emporter.
Sur le principe du take away, le cahier de tendances de Création Conseil Dessert pointe une originalité américaine : des pâtisseries sur roues sillonnent les rues de New York ou de San Francisco sur le modèle des camions pizzas. Chacun a ses spécialités : gâteau au chocolat et ganache à l’huile d’olive pour DT Works (DT pour « Dessert Truck »), crème glacée à la groseille chez Van Leeuwen ou cookies et brownies chez Treats Truck ; mais tous jouent la carte artisanale avec des gourmandises inventives, fraîches du jour et fabriquées à partir d’ingrédients naturels.
Moins onéreuse qu’une boutique « en dur », cette initiative pourrait trouver sa place en France où l’on reste attaché au gâteau à rapporter chez soi. Et si celui-ci peut ressembler à du fait maison, c’est encore mieux ! Après Les Petits Mitrons (1) et ses tartes aux fruits de saison aussi simples et bonnes que celles de grand-mère, c’est Chez Bogato qui rallie les gourmets trendy. Aucune maman ne résiste au Gatoloup d’anniversaire ou au Château Tagada d’Anaïs Olmer, une ex-publicitaire reconvertie dans la pâtisserie extravagante.
Ingrédients de qualité, si possible bio, et décors originaux sont aussi de mise chez Chloé.S (2). « J’ai découvert les cupcakes, il y a un an, à Miami. Je suis diabétique, donc j’allais simplement les regarder dans les vitrines et ce petit gâteau m’est apparu comme le support idéal », explique cette jeune graphiste devenue pâtissière. Elle ouvrira sa boutique, en mars, dans le 9e arrondissement, mais ses créations aux looks et aux parfums délirants sont déjà les stars du brunch de l’Hôtel Amour.
À la frontière de cette tendance fait maison et de la gourmandise de luxe, La Pâtisserie des Rêves a beaucoup fait parler d’elle à l’automne dernier. Dans un décor moderne et enfantin, Philippe Conticini propose des grands classiques : éclairs au chocolat ou au café, paris-brest, tarte au citron, etc., mais dans un esprit 100 % ludique avec déco ad hoc, prise de commande sur écran tactile et emballages relevés de rose fluo.
Prochaine ouverture très attendue, celle d’Hugo et Victor (3), face au Lutetia. Ex-pâtissier de Guy Savoy, Hugues Pouget a souhaité un lieu où la circulation se fasse « sans la sempiternelle vitrine au milieu du magasin ». Les gourmandises y seront donc réparties et exposées par saveurs : chocolat, vanille et caramel pour les intemporels, et litchi, ananas, praliné ou orange sanguine pour la première saison. « J’aimerais que les gens ne s’arrêtent pas sur une simple envie de gâteau, comme un opéra ou un fraisier, mais qu’ils se laissent guider par une saveur et découvrent la déclinaison de desserts, classiques ou actuels, que j’ai imaginés autour d’elle », explique-t-il. Les gourmands ne devraient pas se faire prier !
(1) Les Petits Mitrons, 36, rue Lepic, 75018 Paris. Tél. : 01 46 06 10 29.
(2) Chloé.S (ouverture le 15 mars), 40, rue Jean-Baptiste Pigalle, 75009 Paris. Tél. : 06 66 51 80 84.
(3) Hugo et Victor (ouverture début mars), 40, bd Raspail, 75006 Paris.